sim2g Workshops Montpellier Workshop Program Que nous promettent les SIM de 2eme génération pour le cas spécifique du secteur des intrants agricoles ? Expériences et leçons apprises par IFDC en Afrique sub-saharienne - Patrice Annequin, IFDC
IFDC est une organisation publique internationale à but non lucratif, créée en 1974 pour répondre aux défis d’une première révolution verte mise à mal par l’explosion des prix de l’énergie et des intrants agricoles, nécessaires pour permettre à des millions de petits paysans d’Asie et d’Afrique de faire face à une croissance exponentielle de la population. Une des principales missions de la Division Afrique de IFDC, installée à Lomé depuis 1984, est d’améliorer la productivité agricole en s’appuyant sur une utilisation raisonnée et optimale des intrants agricoles, dans un contexte où les sols africains restent amputés chaque année de l’équivalent de 4 milliards de US$ de nutriments. L’accès et l’usage de l’information comptent toujours parmi les contraintes majeures à une évolution positive de cette situation véritablement critique.
L’information sur les intrants, depuis longtemps impérieuse pour la sécurité alimentaire
Alors que le secteur des intrants agricoles était généralement centralisé et géré par les pouvoirs publics, IFDC a été une des chevilles ouvrières de AFTMIN (African Fertilizer Trade and Marketing Information Network), publiant des bulletins mensuels sur la situation mondiale des engrais à l’attention des gouvernements.
A partir de 1990, les plans d’ajustement structurels, les privatisations plus ou moins complètes des marchés des intrants, puis l’émergence des nouvelles technologies, ont formé le terreau des premières expériences de SIM dédiés aux intrants en Afrique de l’Ouest (AFAMIN, de 2001 à 2005), sur les pas de FADINAP[1] en Asie du Sud Est. En s’appuyant sur les SIM publics de 4 pays de la région, IFDC tenta de fédérer via le programme FASEPE et un site web des informations spécifiques, allant des prix des intrants courants sur les marchés locaux aux réglementations en vigueur, en passant par les répertoires des acteurs de ces filières – avec l’objectif de susciter l’émergence d’un marché sous-régional plus vigoureux, et en mesure d’apporter aux petits producteurs les produits et services recherchés.
Le pari de la décentralisation, de la régionalisation et de l’externalisation
Ces objectifs d’utiliser les SIM pour faciliter l’intégration des marchés dans une sous-région furent au cœur du projet MISTOWA (Strenghtening Regional Networks of Market Information Systems and Traders’ Organizations in West Africa, projet financé par l’USAID de 2004 à 2007). Les partenaires s’accordèrent pour redéfinir les rôles et responsabilités de chacun, notamment en incluant les producteurs et les commerçants du secteur agricole dans les processus de collecte et de diffusion des informations. L’usage raisonné des NTIC – en particulier l’internet et la téléphonie mobile – permit de proposer des SIM partageant à l’échelle régionale des informations pour des usages décentralisés et correspondant aux besoins spécifiques des usagers.
Le projet assista d’un part le RESIMAO[2] à mettre en œuvre une plateforme internet sur les prix des produits agricoles sur quelques 400 marchés importants dans 10 pays de la CEDEAO, en fédérant et harmonisant les efforts des SIM publics nationaux. MISTOWA offrit également la possibilité aux organisations professionnelles et aux entrepreneurs du secteur privé d’initier ou de développer leurs propres systèmes d’information, autonomes ou en réseaux, notamment en utilisant la plateforme TradeNet.biz développé par Busylab, une société de développement informatique basée au Ghana. En ciblant prioritairement les opérateurs en mesure de commercer d’un pays à l’autre, les SIM purent pour la première fois faire un usage professionnel de l’internet et du mobile, en collectant et transmettant des prix, des offres d’achat ou de vente au sein de réseaux identifiés et spécifiques.
Le secteur des intrants agricoles est resté malgré tout très peu couvert par les SIM
L’explosion des prix du pétrole et des prix des denrées alimentaires en 2008 rappela à tous que les intrants restaient encore et toujours des éléments stratégiques de toute politique de développement agricole et de recherche de la sécurité alimentaire. Avec 8 kg/an/ha de nutriments consommés en Afrique sub-saharienne en 2004, les objectifs fixés à 50 kg/ha/an à l’horizon 2015 par le Sommet Africain sur les Engrais[3] tenu à Abuja en juin 2006 semblent bien difficiles à atteindre. Pourtant, pendant le même temps, des efforts considérables ont été engagés par AGRA[4] et le NEPAD[5] pour faciliter l’accès aux petits producteurs aux semences améliorés et aux engrais afin de sortir au plus vite du cercle vicieux «bas rendements => faibles revenus => investissements réduits dans les sols et les plantes => bas rendements ».
Il fallait malheureusement constater qu’aucun système national ou régional n’existait pour informer les usagers sur les intrants agricoles – semences, engrais, ou produits de protection des cultures. La très grande diversité des produits, des circuits de production et de commercialisation gérés en grande partie par un secteur privé en pleine croissance, des marchés faiblement réglementés, et la faible technicité de l’aval de la filière ont été des freins majeurs à l’établissement de tels SIM spécialisés.
Des SIM de deuxième génération pour les intrants agricoles
Depuis 2005, IFDC apporte un appui technique aux communautés économiques régionales et continentales pour favoriser l’intégration des marchés des intrants agricoles (projets MIR puis MIR Plus en Afrique de l’Ouest en collaboration avec la CEDEAO et l’UEMOA, projet STAR en Afrique de l’Est avec la COMESA et la CEA, appui au NEPAD pour la mise en œuvre des recommandations du Sommet Africain sur les Engrais). Dans le même temps, de multiples programmes nationaux se concentrent sur la professionnalisation des distributeurs d’intrants agricoles, des organisations de producteurs impliquées dans la gestion des intrants par le compte de leurs membres (projets 1000+, AGRA et MCA notamment), ainsi que sur le pilotage de programmes de subventions aux intrants. Tous intègrent des composantes SIM importantes et clés pour l’atteinte des objectifs fixés.
Fort des expériences passées et compte tenu des innovations technologiques disponibles, IFDC propose une approche permettant une intégration verticale et horizontale des initiatives en cours. En promouvant l’utilisation d’outils comme esoko[6] par les associations professionnelles de distributeurs d’intrants agricoles, l’on permet de collecter et de partager des informations tels que les prix, les répertoires des acteurs (y compris avec des outils SIG), les besoins en intrants au niveau local, et des informations techniques ou commerciales. En partageant toute ou partie de ces informations, l’on assure une intégration verticale de ces SIM professionnels, privés et spécialisés dans leur contenu et leur couverture géographique, avec des systèmes d’information institutionnels plus larges, tels que Ecobiz dans l’espace CEDEAO ou FAMIS au sein de la COMESA, ou les services d’information spécialisés mis en œuvre par les associations continentales ou internationales (par exemple IFA[7] pour les engrais ou AFSTA[8] pour les semences). Ces derniers assurent quand à eux une intégration horizontale de l’information, requérant un minimum d’harmonisation dans les méthodologies et les contenus, mais garantissant une autonomie fonctionnelle, institutionnelle et financière que seules les NTIC peuvent offrir. Leurs efforts de consolidation et d’analyses, de mises à jour des aspects réglementaires, ou encore les informations sur les marchés internationaux sont alors autant de contenus partagés par l’ensemble de la communauté.
C’est à cela que IFDC concoure actuellement en appuyant simultanément le déploiement de quatre systèmes d’information autonomes et interconnectés, tous dédiés aux intrants agricoles: en Afrique de l’Est pour le compte de la COMESA et de la CEA avec l’établissement de AMITSA ; en Afrique de l’Ouest pour le compte de la CEDEAO et l’UEMOA dans le cadre de la mise en place de Ecobiz et de AGRIS ; en Afrique sub-saharienne, avec une communauté de pratiques sur les problématiques liées à l’intensification de l’agriculture (AISSA[9]) ; et enfin, AfricaFertilizer.org, un portail internet créé pour faciliter les échanges d’informations sur la fertilité des sols, les engrais et les bonnes pratiques agricoles en Afrique.
Des challenges nombreux dans un environnement très changeant
Sont appliqués ici les principes de séparation des programmes des technologies (externalisation), de partenariat et de répartition des rôles entre secteur public, secteur privé et institutions de développement, d’autonomie fonctionnelle et opérationnelle à tous les niveaux concernés, et enfin de partage raisonné et différencié de l’information.
Il n’en demeure pas moins que les technologies disponibles évoluent si rapidement que les modèles économiques proposés n’ont pas encore fait leurs preuves. La structuration en cours du secteur privé des intrants et des communautés économiques régionales fragilisent la mise en œuvre de programmes établis sur le long terme. Les spécificités propres au secteur des intrants en termes de méthodologies, d’acteurs ou de contenus obligent à des innovations qu’il convient de développer et de valider. La disparité importante, et pour le cas des intrants, l’absence de nombreuses informations et données fiables (par exemple, les statistiques de production, de commerce ou de consommation) représentent un des challenges principaux en même temps qu’elles constituent un des objectifs majeurs à atteindre par ces initiatives.
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